2021
Workshop
27-28 octobre

Déclaration finale sur Symboles, Mythes et Sens religieux chez les Humains depuis les Premiers

Colloque de l'Academie pontificale des sciences

Déclaration finale sur Symboles, Mythes et Sens religieux chez les Humains depuis les Premiers
Photo: Gabriella C. Marino

Ce Colloque, qui a réuni, sous l’autorité de Monseigneur Marcelo Sánchez Sorondo, Chancelier de la PAS, 19 Orateurs, de 6 nationalités et de nombreuses disciplines, s’est tenu au Vatican, au siège de l’Académie Pontificale des Sciences, Casina Pio IV, en présentiel pour 14 d’entre nous et en visioconférence pour 4 — dont le Président Joachim von Braun —. Il était dédié à la personnalité et à l’œuvre de Fiorenzo Facchini, Professeur émérite d’Anthropologie à l’Université de Bologne, d’ailleurs présent et orateur lui-même à ce Colloque.

Le propos de cette réunion était de faire se rencontrer Scientifiques et Philosophes sur la question essentielle et délicate du Sens Religieux chez les Humains et de tenter de lui trouver une réponse partagée.

La réunion a été scindée en 4 sessions, respectivement consacrées aux Archéologues, aux Ethnologues, aux Biologistes et aux Philosophes.

Les Archéologues ont d’abord montré la très grande ancienneté des preuves matérielles d’une pensée symbolique chez les Humains fossiles, de l’objet recueilli pour rien à celui que l’on transforme, de celui dont on apprécie de mieux en mieux la forme à celui dont on s’approprie celle-ci, de celui encore sur lequel on griffonne à la paroi sur laquelle on grave ou on peint un grand récit  mais ces collègues archéologues nous ont aussi décrit des rituels de protection (marquages à l’ocre), des pratiques d’inhumation (fosse puis sépultures), de probables cérémonies d’initiations (musique, danses), d’incontestables actes de compassion (assistance de personnes handicapées, débuts de la médecine).

Les Ethnologues nous ont raconté à leur tour les croyances, dites animistes et leurs pratiques dites chamaniques, de petites populations actuelles, où nature et culture se mêlent, où esprit animal, esprit végétal et âme humaine veulent dire la même chose , où des mythes apaisent les angoisses et lient les membres d’une même communauté. On peut imaginer que ces formes de perception du sens religieux p

... Read all

Ce Colloque, qui a réuni, sous l’autorité de Monseigneur Marcelo Sánchez Sorondo, Chancelier de la PAS, 19 Orateurs, de 6 nationalités et de nombreuses disciplines, s’est tenu au Vatican, au siège de l’Académie Pontificale des Sciences, Casina Pio IV, en présentiel pour 14 d’entre nous et en visioconférence pour 4 — dont le Président Joachim von Braun —. Il était dédié à la personnalité et à l’œuvre de Fiorenzo Facchini, Professeur émérite d’Anthropologie à l’Université de Bologne, d’ailleurs présent et orateur lui-même à ce Colloque.

Le propos de cette réunion était de faire se rencontrer Scientifiques et Philosophes sur la question essentielle et délicate du Sens Religieux chez les Humains et de tenter de lui trouver une réponse partagée.

La réunion a été scindée en 4 sessions, respectivement consacrées aux Archéologues, aux Ethnologues, aux Biologistes et aux Philosophes.

Les Archéologues ont d’abord montré la très grande ancienneté des preuves matérielles d’une pensée symbolique chez les Humains fossiles, de l’objet recueilli pour rien à celui que l’on transforme, de celui dont on apprécie de mieux en mieux la forme à celui dont on s’approprie celle-ci, de celui encore sur lequel on griffonne à la paroi sur laquelle on grave ou on peint un grand récit  mais ces collègues archéologues nous ont aussi décrit des rituels de protection (marquages à l’ocre), des pratiques d’inhumation (fosse puis sépultures), de probables cérémonies d’initiations (musique, danses), d’incontestables actes de compassion (assistance de personnes handicapées, débuts de la médecine).

Les Ethnologues nous ont raconté à leur tour les croyances, dites animistes et leurs pratiques dites chamaniques, de petites populations actuelles, où nature et culture se mêlent, où esprit animal, esprit végétal et âme humaine veulent dire la même chose , où des mythes apaisent les angoisses et lient les membres d’une même communauté. On peut imaginer que ces formes de perception du sens religieux précèdent les grands polythéismes antiques aux panthéons compliqués et les brillants monothéismes contemporains, où un Dieu omniscient, tout puissant, acteur et juge, peut protéger comme punir. Certains participants nomment les premières Sociétés, horizontales (équité entre Esprits), les secondes, verticales (hiérarchie entre Hommes et Dieux).

Pour les Biologistes, c’est la complexité croissante du cerveau, née de l’adaptation de celui-ci à des changements de leur environnement, qui va déboucher sur un niveau plus élevé de la conscience et son produit, la réflexion. L’Humain va savoir qu’il sait, pouvoir anticiper, apprendre la mort, ressentir l’anxiété qui en découle et inventer son recours, la « croyance », simple produit pirate —appelé exaptation — de la sélection naturelle. Le moteur qui a fait « évoluer » tout le système vivant est celui qui fait émerger le phénomène religieux. La nature, dit-on, avait horreur du vide, la nature humaine a horreur du vide de sens ! Si l’on s’arrête à ce constat incontestable et que l’on convienne qu’il n’est pas réducteur, il faut reconnaitre que, pour un naturaliste, il est cohérent avec l’ensemble des connaissances du Vivant et, par suite, suffisant et tout-à-fait rassurant.

Mais les Philosophes, même s’ils écoutent et respectent les conclusions des Biologistes, et que par suite, ils en enregistrent les données et en tiennent compte dans leurs réflexions, « ne l’entendent pas de la même oreille » et, par suite, ne s’en contentent pas. Si la matière inerte peut, en effet, se définir comme ayant une histoire « de mieux en mieux organisée mais de plus en plus compliquée » et si la matière vivante qui en descend, peut se résumer en un récit « de plus en plus diversifié mais de mieux en mieux contrôlé —par la génétique — » l’être pensant, quant à lui, surprend par son caractère « de plus en plus Libre mais de plus en plus Responsable » ! Et cette Liberté incontestable, mais sous bonne garde, fait que l’Humain se trouve soudain, pour la première fois dans ce long parcours, en charge — au moins en partie et peut-être de plus en plus — de sa propre destinée. La sélection naturelle « s’efforçait » de sauver l’espèce ; mais, enrichie de la dimension spirituelle inhérente à l’esprit, elle s’attache désormais à « sauver » la Personne.

Et nous sommes ainsi parvenus au terme de cet élégant tableau, aux étapes complémentaires et aux marches successives.

L’Humain, aux profondes racines biologiques, émerge, devant nos yeux, chargé « naturellement » de ce fameux sens religieux.

La Personne et l’Âme s’y confondent alors, la Réflexion, la Méditation et la Prière souvent également. La réponse partagée recherchée entre Scientifiques et Philosophes est peut-être celle-là.

Reste à délimiter l’Humain, sans que ce bornage change désormais quoi que ce soit à notre conclusion, mais nous sommes dans une Académie des Sciences et nous nous devons de rechercher cette frontière, si tant est qu’elle existe.

Comme les Chimpanzés, nos parents les plus proches, semblent — au moins aujourd’hui — avoir inventé des rituels et se préoccuper de la mort, et comme les Préhumains, nos ancêtres les plus proches, semblent avoir fabriqué, dès 3.300.000 ans, des outils, réalisant donc création d’une forme et symbole à la fois, certains d’entre nous auraient tendance à faire remonter la notion de sens « religieux » à 10 millions d’années, l’âge des ancêtres communs des Chimpanzés et des Hommes ; d’autres attendraient au contraire les preuves biologiques (niveau de complexité cérébrale) ou archéologiques (objets fabriqués, sépultures, rupestres) pour oser attacher « sens religieux » à un Préhumain ( Lucy, par exemple) ou à un Humain.

Mais que ce sens ait 10 millions d’années, 3 millions d’années ou 500.000 ans, il ne s’en dégage pas moins, « un beau jour » (qui peut être d’une certaine durée, progressive), d’une longue histoire de 14 milliards d’années de Matière, de 4 milliards d’années de Vie, une «âme” (ἡ ψυχὴ τὰ ὄντα πώς ἐστι πάντα) » (Aristote, De anima, 431 b 20) qui donne une unité à la famille des Hominidés que l’on pourrait par suite appeler, malgré son ancienneté jusque-là insoupçonnée, humaine.

 

Yves Coppens et + Marcelo Sánchez Sorondo

Read Less