Cardinal Roger Etchegaray

Introduction

Après l’accueil si familial que nous venons de recevoir des autorités académiques et médicales, mon introduction à ce Colloque ne peut être qu’un petit apéritif « sec », incapable de noyer un problème aussi complexe que celui des formes contemporaines d’un esclavage  au qualificatif anodin de « moderne » comme pour y trouver une nouvelle légitimité.

Certes, l’esclavage est une des plus vieilles initiatives de l’humanité et il faut reconnaître que sous sa forme traditionnelle, je dirais classique, il perdure toujours même s’il est aujourd’hui légalement  aboli partout …. jusqu’en Mauritanie dernier pays à y mettre fin le 5 juillet 1980.

Aujourd’hui plus qu’hier il parait évident de dénoncer absolument l’esclavage comme une négation de l’humain. Ce qui n’a pas été le cas pour tous au cours des siècles, aussi bien dans l’Eglise que dans la société qui trouvaient toutes deux, en s’appuyant parfois l’une sur l’autre, des raisons de tolérance,  voire de justification.  Que d’hésitations, que d’ambiguïtés, que d’incohérences de part et d’autre ! Le même le pape Paul III, protecteur de Las Casas, édicta en 1537 une bulle interdisant l’esclavage des Indiens d’Amérique, mais onze ans plus tard, il autorisa par un bref, l’exploitation d’esclaves dans ses propres Etats pontificaux.

Je ne peux pas non plus effacer de ma mémoire la figure de Jean-Paul II, debout, seul au fond de la « Maison des Esclaves » à l’île de Gorée qu’il appela « sanctuaire africain de la douleur noire » se recueillant face à l’Océan Atlantique et exhortant le monde entier : «Je suis venu écouter  le cri des générations, un cri qui exige que nous nous libérions pour toujours de ce drame car ses racines sont en nous, dans notre nature humaine » (22 février 1992).

La responsabilité morale de l’humanité vis-à-vis de l’esclavage d’hier ne peut s’arrêter  aux décrets d’abolition ou à des actes de repentance sans cesse à reprendre. N’oublions pas les blessures multiséculaires et profondes de générations d’anciens esclaves dont la prise en charge exige encore de nous courage, persévérance et espérance pour que tout descendant soit considéré comme un homme tout entier.

Sans plus tarder, entrons maintenant dans la lutte peut être la plus dure et la plus longue de toute l’histoire de l’esclavage, car elle touche des consciences victimes d’un naufrage collectif.

Merci au pape François qui a voulu expressément ce Colloque et nous recevra.

Nous confions nos travaux au jésuite catalan saint Pierre Claver évoqué par le Chancelier Mgr Sánchez Sorondo. Et j’ajouterai saint Martin de Porres, ce frère dominicain, dont j’ai visité le tombeau à Lima (mort le 3 novembre 1639) « fils naturel d’un chevalier espagnol et d’une esclave noire », canonisé en 1962 par Jean XXIII. Tous les chemins sont bons contre l’esclavage, s’ils conduisent à la sainteté !