Déclaration sur Covid-19

2021
Workshop
4-5 novembre

Déclaration finale sur COVID-19

nouvelles perspectives sur les causes, les actions, les conséquences et les implications pour les sciences et les politiques de santé

Déclaration finale sur COVID-19
Foto: Gabriella C. Marino

Résumé

L’Académie pontificale des sciences exprime son inquiétude quant au fait que le COVID-19 a un impact négatif sur les pauvres en particulier, et qu’il accroît encore les inégalités entre les pays et entre les générations. L’Académie et ses partenaires ont identifié quelques domaines thématiques pour les politiques scientifiques et de santé qui peuvent servir à tous. Il est essentiel de comprendre les sources et les mécanismes physiopathologiques de la maladie. La présence potentielle continue du SRAS-CoV-2 – et celle de nouvelles maladies infectieuses futures – doit être prise en compte. Les nouvelles connaissances scientifiques dans les domaines du développement de vaccins et des traitements sont impressionnantes et prometteuses, et les nouvelles expériences et approches en termes d’actions de politique de santé doivent être partagées librement.

Un accès équitable aux vaccins doit être garanti, étant donné que l’absence de vaccins dans les pays pauvres a créé une inégalité moralement indéfendable. De plus, une faible couverture vaccinale augmente le risque d’apparition de nouvelles variantes. Il faut mettre fin à l’inégalité et au nationalisme en matière de vaccins des pays riches, et le programme COVAX – la plus importante initiative mondiale en matière de vaccins – doit recevoir un soutien beaucoup plus important. Les innovations en matière de diagnostics, de tests et de thérapies sont également prometteuses, mais doivent être mises à disposition dans le monde entier.

La gestion optimale des pandémies dans les systèmes de santé publique doit rester une priorité au niveau national et international. Le rôle clé de la coopération internationale dans le cadre de l’OMS doit être renforcé. Les systèmes de soins sont essentiels dans la gestion du COVID-19, et les effets sur d’autres secteurs comme l’alimentation, l’éducation et la santé publique doivent être pris en compte. Les effets à long terme du COVID-19 (Long COVID) sont très préoccupants et nécessitent une

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Résumé

L’Académie pontificale des sciences exprime son inquiétude quant au fait que le COVID-19 a un impact négatif sur les pauvres en particulier, et qu’il accroît encore les inégalités entre les pays et entre les générations. L’Académie et ses partenaires ont identifié quelques domaines thématiques pour les politiques scientifiques et de santé qui peuvent servir à tous. Il est essentiel de comprendre les sources et les mécanismes physiopathologiques de la maladie. La présence potentielle continue du SRAS-CoV-2 – et celle de nouvelles maladies infectieuses futures – doit être prise en compte. Les nouvelles connaissances scientifiques dans les domaines du développement de vaccins et des traitements sont impressionnantes et prometteuses, et les nouvelles expériences et approches en termes d’actions de politique de santé doivent être partagées librement.

Un accès équitable aux vaccins doit être garanti, étant donné que l’absence de vaccins dans les pays pauvres a créé une inégalité moralement indéfendable. De plus, une faible couverture vaccinale augmente le risque d’apparition de nouvelles variantes. Il faut mettre fin à l’inégalité et au nationalisme en matière de vaccins des pays riches, et le programme COVAX – la plus importante initiative mondiale en matière de vaccins – doit recevoir un soutien beaucoup plus important. Les innovations en matière de diagnostics, de tests et de thérapies sont également prometteuses, mais doivent être mises à disposition dans le monde entier.

La gestion optimale des pandémies dans les systèmes de santé publique doit rester une priorité au niveau national et international. Le rôle clé de la coopération internationale dans le cadre de l’OMS doit être renforcé. Les systèmes de soins sont essentiels dans la gestion du COVID-19, et les effets sur d’autres secteurs comme l’alimentation, l’éducation et la santé publique doivent être pris en compte. Les effets à long terme du COVID-19 (Long COVID) sont très préoccupants et nécessitent une recherche intensive ainsi que des actions de santé publique ciblées. Les effets de l’infection sur les enfants et les conséquences psychologiques de l’isolement social sur le développement cognitif des jeunes doivent être pris en compte dans les recherches connexes.

La science a déjà sauvé de nombreuses personnes lors de la pandémie. La qualité de la science doit être protégée du stress lié au COVID-19. La lutte contre la désinformation et les conspirations concernant les pandémies et les vaccins est une tâche importante pour la science, l’éducation, la politique, les médias (sociaux) et les communautés religieuses.

La dignité humaine devrait être le point de départ des réflexions sur les aspects scientifiques de la pandémie, et le point de mire pour guider les actions. Les politiques de santé inclusives doivent être fondées sur la vérité, la justice, la solidarité et la fraternité, conformément à l’encyclique Fratelli Tutti du pape François.

Intervenants

  • José Manuel Barroso, président du conseil d’administration de GAVI, l’Alliance du vaccin ; co-président de la commission Reform for Resilience – Healthy Growth ; ancien président de la Commission européenne et ancien Premier Ministre du Portugal.
  • Joachim von Braun, Président de l’Académie pontificale des sciences, professeur d’économie et changement technologique à l’Université de Bonn.
  • Chien-Jen Chen, Académicien pontifical, professeur émérite, Genomics Research Center, Academia Sinica.
  • Francis Collins, Académicien pontifical, directeur des National Institutes of Health.
  • Mgr Paul R. Gallagher, secrétaire pour les Rapports avec les Etats, Secrétairerie d’État, Saint-Siège.
  • David L. Heymann, département d’Épidémiologie des maladies infectieuses, London School of Hygiene and Tropical Medicine.
  • Salim Abdool Karim, directeur, CAPRISA, Durban, Afrique du Sud.
  • Masashi Mizokami, ancien directeur général, National Center for Global Health and Medicine, Japon.
  • Madhukar Pai, chaire canadienne de recherche en épidémiologie et santé mondiale, McGill University, Montréal, Canada.
  • K. Srinath Reddy, président, Public Health Foundation of India.
  • Mgr Marcelo Sánchez Sorondo, évêque chancelier de l’Académie pontificale des sciences.
  • Soumya Swaminathan, Organisation Mondiale de la Santé, scientifique en chef.
  • Yik Ying Teo, doyen de la School of Public Health, Université nationale de Singapour, Singapour.
  • Malcolm Turnbull, co-président de la commission Reform for Resilience – Healthy Growth, ancien Premier Ministre de l’Australie, 2015-2018.
  • Ann E. Woolley, Division des maladies infectieuses, Brigham and Women’s Hospital, Boston and Harvard Medical School.
  • Eng Kiong Yeoh, directeur, Center for Health Systems and Policy Research, Université chinoise de Hong Kong, Honk Kong, Chine.
  • Shao Yiming, médecin et immunologiste, Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies.
  • Michael S. Zandi, National Hospital for Neurology and Neurosurgery, Queen Square, Londres.

Introduction

En novembre 2021, on estime que le nombre total de contaminés par la COVID-19 s’élève à 250 millions de personnes, dont au moins 5 millions de morts de la maladie ou infectés par celle-ci. De plus, certains modèles estiment que plus de 16 millions des dénommés ‘décès excédentaires’ ont eu lieu dans le contexte de la pandémie. La situation demeure préoccupante, avec une augmentation de 0,4 millions de cas confirmés et de 7 000 morts quotidiens dans le monde. Sur le plan socio-économique, la COVID-19 a ralenti la croissance du PIB et mis à mal les dispositifs d’aide sociale.

En juillet-août 2021, le nombre de vaccinations quotidiennes s’élevait à 40 millions dans le monde, mais ce chiffre a diminué, pour atteindre les 25 millions aujourd’hui. À la date de cet Atelier, 50 % de la population mondiale a reçu au moins une dose de vaccin contre la COVID-19. L’immense et injuste disparité entre les pays riches et pauvres demeure un obstacle considérable à l’obtention de résultats quant à la lutte contre la pauvreté, la faim et les maladies. Seuls 4 % des habitants des pays à faibles revenus ont reçu au moins une dose. Ceci révèle un manque de fraternité et de solidarité internationales flagrant.

En outre, le manque d’information sur la recherche et le développement des vaccins contre la COVID-9, leur fabrication, leur déploiement et les contrats qui leur sont relatifs – ainsi que l’accumulation de doses de vaccins par les pays à revenus élevés – mènent à une distribution peu équitable et à des prix de vente élevés dans les pays à faibles revenus et revenus intermédiaires. Le dispositif COVAX (COVID-19 Vaccines Global Access) a fait parvenir plus de 486 millions de doses de vaccin (6 % des doses administrées dans le monde) à 144 pays participants, un nombre bien supérieur à ses objectifs initiaux. L’Académie pontificale des sciences a déjà exprimé ses inquiétudes quant à l’impact négatif de la COVID-19, en particulier sur les pauvres. Le Pape François a tout particulièrement insisté sur le sujet dans son message à notre Académie, quand la COVID-19 était à l’ordre du jour de notre réunion plénière en 2020.

La stratégie scientifique élémentaire pour faire face à la pandémie comprend : l’identification de l’agent étiologique, des caractéristiques cliniques, l’établissement des diagnostics, la fabrication d’un vaccin et la mise en place de solutions thérapeutiques. De leur côté, les stratégies de santé publique doivent s’emparer de la recherche sur la mise en œuvre des découvertes scientifiques, en prenant en compte par exemple des comportements humains liés aux vaccins, l’éducation du public pour renforcer la confiance, et la diffusion d’informations factuelles. Construire une résilience post-COVID requiert les efforts concertés des sciences sociales, économiques, environnementales et de la santé.

Dans le cadre de cet Atelier, l’Académie pontificale des sciences a invité des scientifiques et des conseillers politiques de premier rang à se joindre aux académiciens, afin d’évaluer la situation de la science et des actions contre la COVID-19, et d’identifier la vision d’une nouvelle direction à suivre. L’Académie et ses partenaires ont alors mis en lumière dix thématiques et leurs répercussions pour l’établissement de nouveaux objectifs scientifiques ; ceci afin que la science et les politiques de santé puissent servir tout le monde, y compris les parties les plus pauvres de nos sociétés et les plus vulnérables au virus, comme les personnels de santé, les personnes âgées et les patients immunodéprimés.

Dix thématiques

1. Il est essentiel de comprendre les sources, les causes et la présence potentiellement durable du SARS-CoV-2 et de futures maladies infectieuses. L’étude des maladies infectieuses causées par des bactéries, virus ou parasites qui se transmettent des animaux aux humains était et demeure un domaine primordial de recherche.

a. Le virus à l’origine de l’actuelle pandémie, apparu à Wuhan, en Chine, a rapidement été identifié et nommé « syndrome respiratoire aigu sévère coronavirus 2 » (SARS-CoV-2). L’Organisation Mondiale de la Santé a alors désigné la maladie causée par le SARS-CoV-2 « maladie à coronavirus 2019 » (COVID-19). Le coronavirus est un virus zoonotique que l’on suppose transmis entre espèces, de la chauve-souris à l’humain, avec la présence possible d’un hôte intermédiaire qui reste non-identifié. Cette origine du SARS-CoV-2 semble probable, d’après les résultats de l’analyse de son évolution moléculaire à partir de séquences de son génome grâce aux bases de données du projet GISAID (Global Initiative on Sharing Avian Influenza Data – Initiative Mondiale pour le Partage des Données sur la Grippe Aviaire). [voir la présentation de Masashi Mizokami. Le projet GISAID promeut le partage rapide des données sur les virus grippaux et le coronavirus à l’origine de la COVID-19 https://www.gisaid.org].

b. Les origines des pandémies, comme l’actuelle pandémie de COVID-19, doivent être identifiées par des instances indépendantes internationales – en particulier l’OMS – en pleine coopération avec les gouvernements et les partenaires scientifiques nationaux, sur des principes de transparence et de respect des preuves, afin de ne pas compromettre les savoirs. Lors d’une pandémie, il est indispensable de renforcer la confiance générale dans la santé publique et les systèmes scientifiques, en veillant à ne pas les discréditer. [voir la présentation de Chien-Jen Chen].

c. Le génome du SARS-CoV-2 se caractérise par un fort potentiel de mutation quand le virus se propage à grande échelle, en particulier chez les personnes immunodéprimées. Les variants et les souches mutantes apparaissent à divers endroits dans le monde, selon des combinaisons de mutations génétiques, et selon différents degrés d’accumulation de mutations, d’insertion, de suppression et de recombinaison, ainsi qu’en fonction de l’activité immunitaire de l’hôte infecté.

d. Le variant Delta est devenu le variant dominant dans le monde, dû à sa charge virale plus élevée, étant infectieux durant 5 jours supplémentaires, avec un plus haut risque de réinfection chez les personnes infectées par le passé. De nouveaux variants préoccupants pourraient émerger malgré une vaccination à grande échelle. Les prédictions dépendent de la diminution de l’immunité apportée par le vaccin et de la résistance du virus aux vaccins. Le SARS-CoV-2 pourrait donc tenir un rôle permanent dans nos vies. Nous devons maintenir des efforts de recherche importants sur les virus, les épidémies, et les méthodes de gestion des épidémies.

2. Les développements scientifiques et les nouvelles connaissances sont prometteuses. La science et les nouvelles expériences d’actions en matière de santé publique s’accumulent rapidement et doivent être partagées librement, à l’international.

a. La science est entrée dans une importante phase de découvertes durant la pandémie, et ses bienfaits sont plus apparents que jamais. L’identification rapide du SARS-CoV-2 et la publication de sa séquence génétique ont facilité le développement accéléré de diagnostics, d’antiviraux et de vaccins. Les chercheurs ont réussi à mettre au point des vaccins contre la COVID en un temps record. Nous devons reconnaître que la science a fait des avancées majeures, en particulier quant aux vaccins à ARN messager et à adénovirus. Des vaccins à sous-unité de protéine spike pourraient également voir le jour.

b. Durant une pandémie, les opportunités et défis qui se présentent à la science sont différents. La science reliée à un objectif court terme passe au premier plan, mais elle requiert une vigilance particulière sur le plan éthique. La recherche doit aussi prendre en compte et explorer les conséquences stratégiques sur le long terme. Il ne faut pas oublier que les avancées principales quant aux vaccins dans cette pandémie s’appuient sur des dizaines d’années de recherche fondamentale et d’importants investissements en lien avec cette dernière. Un renforcement de la science stratégique au sein d’une pandémie est essentiel afin de développer des approches préventives reposant sur des preuves. Récemment, des développements intéressants pour des traitements contre la COVID ont fait leur apparition, en particulier le Molnupiravir et le Paxlovid, actuellement en phase de test finale et de mise en circulation dans de nombreux pays, y compris ceux à l’économie émergente, où ils devront être fabriqués à bas prix sous autorisation. [voir aussi les présentations de Francis Collins et K. Srinath Reddy]

c. La technologie digitale, l’intelligence artificielle, l’internet des objets, l’apprentissage automatique et l’analyse de données massives ont été utilisés à grande échelle pour endiguer la pandémie, afin d’améliorer la prédiction de la progression du virus, l’identification des variants, le contrôle des frontières et des quarantaines, le contrôle des contaminations à l’hôpital, la répartition des ressources, l’e-santé et la téléconsultation, le traçage des contacts, les tests, l’isolement et la quarantaine à domicile, et le contrôle des foules dans de nombreux pays.

d. Nous appelons les sciences interdisciplinaires à s’intéresser à la crise du COVID-19. La profession médicale, jointe à la physique, aux mathématiques et à la biologie par exemple, peut participer à la création de modèles, l’analyse de données et le développement de technologies rapides pour l’imagerie diagnostique et de nouvelles thérapies. Les chercheurs en sciences sociales et politiques doivent étudier l’impact social et psychologique de la maladie et proposer des options de décisions politiques en vue d’une amélioration générale de la qualité de vie.

3. Il faut veiller tout particulièrement à permettre un accès équitable aux vaccins et aux innovations vaccinales, et surveiller les limites de leur efficacité.

a. Actuellement, les vaccins contre la COVID-19 sauvent des millions de vie et nous offrent un espoir de mettre fin à la pandémie, à condition de les distribuer de façon équitable. Il est également possible de réutiliser les innovations développées récemment pour résoudre d’autres défis de santé mondiale. Par exemple, la technologie de vaccin à ARN messager pourrait être utilisée pour un certain nombre d’autres maladies infectieuses. Nous remarquons un progrès important dans le développement de vaccins, pas seulement en Europe et aux États-Unis, mais également dans des pays émergents comme la Chine et l’Inde, pour les vaccins inactivés comme à ARN messager. [voir aussi la présentation de K. Srinath Reddy et le résumé de Shao Yiming].

b. Il y a plus de 3,5 millions de personnes qui attendent encore des vaccins existants, mais qui n’y ont pas accès pour cause d’une production insuffisante et d’un défaut d’égalité de distribution. Le système de santé mondial se doit d’inclure les pays pauvres et à faibles revenus. L’existence de lacunes dans la couverture vaccinale à un niveau international comporte des risques de relance de la pandémie, car celles-ci augmentent la probabilité d’émergence de nouveaux variants dans les régions non desservies en vaccin, qui se déplaceraient ensuite vers les régions vaccinées. Aujourd’hui, le programme COVAX représente la plus grosse initiative internationale et nécessite un soutien financier supplémentaire. Les approches financières « vertes » selon les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance), en pleine croissance y compris dans les secteurs de finance privés doivent prendre en compte la santé parmi leurs critères. [voir aussi la présentation de José Manuel Barroso]

c. L’OMS collabore avec les ministères de la santé de la Colombie, du Mali et des Philippines pour le lancement du projet Solidarity Trial Vaccine qu’ils parrainent. Il s’agit d’une plateforme internationale d’essais cliniques randomisés, conçue pour évaluer rapidement l’efficacité et la sûreté des nouveaux vaccins prometteurs, sélectionnés par un groupe indépendant de conseil en priorisation vaccinale, composé de scientifiques et d’experts de premier ordre.

d. Nous remarquons que la réponse aux vaccins n’est pas égale au sein des populations. Par exemple, l’efficacité du vaccin est diminuée chez les patients atteints de cancers et les patients ayant subi une greffe d’organes. Ceux-ci nécessitent également une attention particulière au sein d’un système de santé publique juste et fonctionnel [voir la présentation de Ann E. Woolley].

e. La désinformation et l’hésitation face au vaccin demeurent des obstacles majeurs à la croissance de la couverture vaccinale dans de nombreux pays développés et en voie de développement. Il est nécessaire de développer des approches innovantes pour fournir des informations fiables et factuelles à la population, en s’adressant peut-être plus directement aux individus selon leur contexte

4. Des innovations prometteuses quant aux diagnostics et aux tests

a. De nombreux tests ont été développés pour la gestion et le diagnostic des patients atteints de la COVID-19, parmi lesquels les tests PCR, les tests d’antigènes et anticorps, plus ou moins rapides, avec divers niveaux de précision et différents coûts. Leur distribution est néanmoins orientée vers les pays à revenus élevés. Leur efficacité et leur rapport coût-efficacité peut fluctuer selon le variant.

b. Il faut surveiller l’émergence de variants du SARS-CoV-2, qui présentent une capacité infectieuse et une virulence croissantes, de même qu’une potentielle résistance à l’immunité. Il est urgent, tant pour la science que pour la recherche sur la mise en œuvre des recommandations scientifiques (implementation research), d’envisager des recours alternatifs selon une diversité de scénarios.

c. Les innovations concernant les tests ainsi que les besoins des pays à faibles revenus évoluent. Les approches pratiques et les meilleures solutions selon chaque pays doivent être partagées et adaptées. Les pays ont intérêt à développer leurs propres approches en proposant plusieurs types de dépistages différant en coût et en complexité, comme l’observation des symptômes, les tests antigéniques rapides et les tests PCR. [voir aussi la présentation de David Heymann]

5. La gestion optimale des pandémies par les systèmes de santé publique doit rester la priorité

a. La coopération internationale en science et en matière de politiques de santé publique est fondamentale. Le rôle clef que tient la coopération au sein de l’OMS, des organisations non-gouvernementales internationales et des corps scientifiques doit être renforcé. Le partage de la science et des capacités de fabrication industrielle doit être exploré plus en profondeur. L’équité quant à l’accès aux équipements de protection individuelle, aux diagnostics, aux antiviraux et aux vaccins, en particulier dans les pays à faibles revenus, est essentielle. [voir aussi les présentations de Soumya Swaminathan et Malcolm Turnbull]. De plus, le maintien de la chaîne du froid nécessaire aux vaccins pose un défi dans de nombreux pays. Ceux-ci nécessitent un soutien international pour accroître leurs capacités dans ce domaine.

b. Dans l’immédiat, il est possible que le concept « d’immunité collective » ne s’applique pas à la COVID-19. « Immunité de population » serait un qualificatif plus adapté pour décrire la situation qui émerge actuellement, car les vaccins en circulation ne sont pas aussi efficaces dans la prévention de l’infection que le sont d’autres vaccins associés à l’immunité collective, comme le sont celui contre la rougeole et la rubéole La fin du SARS-CoV-2 demeure incertaine, du fait des variants qui continuent d’apparaître tant que le virus se reproduit chez l’humain. [voir aussi la présentation de K. Srinath Reddy].

c. Alors que la pandémie demeure imprévisible, il est utile de pratiquer des analyses de scénarios plausibles prenant en compte les risques et les incertitudes, afin de préparer les réactions des systèmes de santé. Cependant, il faut s’assurer de les diffuser en tant que scénarios, et non en tant que prévisions. Dans le meilleur des cas, la virulence du virus ne dépassera pas celle du variant Delta, et nous serons en mesure d’atteindre une forte couverture vaccinale, avec un « retour à la normale », une faible transmission endémique et des rappels du même vaccin chez les individus. Le pire des cas, lui, envisage de nouveaux variants qui continueront d’apparaître (dont certains à échappement immunitaire), une couverture vaccinale incomplète, des mesures de santé publique prises en continu lors de vagues d’infections à répétition et la nécessité de combiner plusieurs vaccins chez un même individu. [voir la présentation de Salim Abdool Karim].

d. Les modèles de pandémies ne doivent pas uniquement s’intéresser au comportement du virus, mais également aux comportements humains et prendre en compte leur résilience aux chocs. Pour renforcer la résistance des systèmes de santé publique en général, il est nécessaire de prendre en compte les perturbations de la santé et des systèmes de protection sociale causées par les pandémies et de les anticiper. Par ailleurs, les technologies numériques et l’intelligence artificielle pourraient faciliter les interventions non-pharmaceutiques, telles que le port du masque, le contrôle des frontières, la quarantaine à domicile, la distanciation sociale et la réduction des rassemblements. Les innovations en termes d’e-santé, l’hôpital intelligent et la télé-santé pourraient améliorer l’efficacité des systèmes de protection sociale et de santé dans le cadre d’une pandémie.

6. Les systèmes de soins sont indispensables à la gestion de la COVID-19, et la COVID-19 montre des effets sur de nombreux secteurs.

a. Les pandémies mettent des systèmes de santé et de protection sociale entiers sous pression. Dans de nombreux cas, les contraintes de ressources ont imposé de repousser les chirurgies et les services non-urgents. Des patients qui auraient dû consulter un professionnel de santé ne l’ont pas fait par peur de la contamination. Les systèmes de santé doivent devenir plus résistants. Un meilleur plan de préparation doit être mis en place, avec une capacité d’appoint intégrée pour la gestion des patients durant les pandémies, tout en protégeant les services hospitaliers « normaux ». La surveillance et le contrôle localisés sont nécessaires pour identifier les clusters et leurs causes le plus tôt possible. [voir aussi les présentations de Eng Kiong Yeoh et Yik Ying Teo].

b. La perturbation d’autres secteurs par la COVID, comme celui de l’alimentation, a eu un impact majeur sur la santé, ainsi que sur les soins aux patients de maladies majeures, comme la tuberculose, le SIDA et la malaria. La morbidité et la mortalité croissantes dues à l’impact de la COVID sur la malnutrition doivent également être prises en compte au moment d’établir des politiques de santé publique et les programmes de recherche.

c. Les professionnels de santé et les scientifiques doivent être en mesure de prendre des décisions responsables en termes d’éthique et de morale au sein des pandémies. La philosophie, l’éthique, la religion et les sciences sociales doivent s’intéresser aux problématiques de santé mondiale. La protection des droits de l’homme et la transparence sont inséparables de la recherche et du développement d’interventions fondées sur des preuves.

d. Les connaissances portant sur la vaccination des enfants ont fait des progrès. Il a été démontré que le vaccin BionTech-Pfizer est sans danger et efficace sur les enfants de 5 à 11 ans, et la vaccination des adolescents de 12 à 17 ans a été approuvée en mai 2021. La science doit également se pencher sur la vaccination, les traitements et les soins appropriés pour les enfants de moins de 5 ans. Les effets de l’isolement dû aux confinements et à la fermeture des écoles doivent aussi être étudiés.

7. Le « COVID long » et les effets à long terme de la COVID-19 commencent à émerger comme un champ important de la recherche et des actions de santé publique.

a. La COVID-19 provoque des dommages neurologiques et psychologiques importants. Le « COVID long » requiert beaucoup plus d’attention de la part de la science et en matière de santé publique qu’il ne lui en est accordé actuellement. Il est nécessaire de se concentrer plus attentivement sur les effets à long terme chez les individus immunodéprimés ou vulnérables, sans négliger les individus auparavant en bonne santé, qui peuvent également être touchés. Les preuves de lésions cérébrales causées par la COVID-19 doivent aussi être étudiées. [voir aussi la présentation de Michael Zandi].

b. Il nous faut développer une vision à long terme, car d’autres pandémies auront lieu. La transparence et la capacité de partage rapide des informations concernant les épidémies de maladies infectieuses émergentes par leur pays d’origine sont essentielles pour contenir les maladies localement et empêcher leur transmission à l’international.

c. La résilience dans l’ère post-COVID à venir requerra une amélioration générale de notre compréhension de la santé humaine, animale et environnementale. Les réseaux alimentaires et en particulier les réseaux de production animale doivent être repensés pour réduire le risque d’apparition de zoonoses.

d. L’impact du changement et du réchauffement climatiques sur l’émergence de nouvelles maladies zoonotiques mérite une étude plus poussée, afin de prévenir l’apparition de futures pandémies. Les interactions entre les systèmes écologiques sont en évolution, l’utilisation des sols change, la déforestation également, et les risques sanitaires appellent à une recherche pluridisciplinaire dans une perspective One Health (« une seule santé »).

8. Faire face à la désinformation autour des pandémies et des vaccins représente une tâche essentielle pour la science, l’éducation, les mesures politiques, les médias et les réseaux sociaux. Voici en effet quelques exemples de théories conspirationnistes qui circulent et ne présentent aucun fondement scientifique : les vaccins comporteraient des puces électroniques pour pister les individus après immunisation et les vaccins rendraient magnétique, ou encore stérile.

a. Mettre au jour la création et la diffusion intentionnelles de la désinformation et des théories conspirationnistes demande la coopération du politique, du juridique, de la recherche et des médias, dont les réseaux sociaux. L’ampleur et les conséquences de ces campagnes de désinformation ont été sous-estimées. Une collaboration internationale est indispensable pour combattre la désinformation à travers les pays.

b. Les conséquences comportementales de la désinformation, en lien par exemple avec la réticence à la vaccination, n’ont pas été suffisamment prises en compte par les partenariats publics, privés et scientifiques. Les réserves d’un pourcentage significatif de la population vis-à-vis de la vaccination exigent des études de sciences comportementales. Une communication raisonnée sur les bénéfices des vaccins et un travail d’éducation demeurent essentiels. Cela œuvrerait pour une meilleure maîtrise de la pandémie.

9. La qualité de la science doit être protégée de la pression imposée par la COVID-19. Les problèmes liés à la recherche de faible qualité et aux théories du complot, ainsi que leur diffusion par les médias et les décideurs politiques, ont augmenté pendant la pandémie.

a. La mauvaise interprétation de pré-publications et la reprise de supposées découvertes par des revues prédatrices ou des experts mal informés constituent une partie intégrante du problème. Il en va de même s’agissant de l’augmentation rapide des financements, qui a probablement surmené les mécanismes sains d’évaluation par les pairs pour leur attribution. Les décisions politiques, prises dans l’urgence de la situation, ont pu interférer avec les démarches scientifiques. Les communautés scientifiques doivent collaborer avec la politique et les médias pour conserver un système et une communication qui demeurent sains et fondés sur des faits. Les fake news et la désinformation pourraient mener à une réticence, voire une hésitation, à pratiquer des interventions et une immunisation non-pharmaceutiques. Le réseau de preuves ne doit en aucun cas être brisé par la pandémie, et une pandémie ne fournit pas de justification à la diminution des exigences scientifiques habituelles. L’éthique scientifique doit être préservée.

b. De plus, certains champs de la recherche en santé sont détournés de leur aire d’expertise première pour s’intéresser à la pandémie. Les communautés scientifiques, les gouvernements, les investisseurs, les universités et les revues doivent être attentifs aux risques de « covidification » et ne doivent pas oublier que la diversité dans la recherche est le meilleur moyen de nous préparer aux crises futures. [voir aussi la présentation de Madhukar Pai]. Les Académies scientifiques sont les mieux positionnées pour se charger de ces questions d’équilibre, ainsi que pour veiller au rôle des sciences de la santé au service de l’équité.

a. La pandémie nous met au défi de repenser le sens de nos vies et de nos activités en tant qu’êtres humains. Bien que la COVID-19 touche tout le monde, la pandémie affecte particulièrement les personnes les plus vulnérables, les personnes âgées et en situation de pauvreté. Le Pape François a insisté sur ce point dans son message à notre Conférence académique de 2020. La pandémie a fait ressortir le meilleur de la solidarité dans de nombreuses communautés, hôpitaux et familles. Comme le dit le Pape François, « ...Ce qu’il faut par-dessus tout, ce sont des gens qui ont le courage de dire ‘je’ dans un esprit de responsabilité et non d’égoïsme, et de montrer clairement par leurs actions que l’on peut accueillir chaque jour avec confiance et espoir. » [Message du Pape François à la rencontre pour l’Amitié entre les peuples, 19 août 2021].

b. Il est essentiel de forger une nouvelle alliance renforcée entre la science et l’humanisme : chacun doit intégrer l’autre, ils ne devraient pas exister séparément, ou pire, en opposition, car c’est d’eux que dépendent la santé ainsi que le développement économique et social de nos communautés. Les politiques de santé inclusives doivent trouver leurs fondements dans la vérité, la justice et la fraternité, en accord avec Fratelli Tutti – ce qui suppose effort, action et liberté individuelle. Il faut réfléchir calmement, examiner en profondeur ce qui s’est passé et ouvrir la voie à un meilleur futur pour tous. [voir Archevêque Paul Gallagher, message à l’Atelier].

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Cette Déclaration a été signée par

Joachim von Braun, Président de l’Académie pontificale des sciences, professeur d’économie et changement technologique à l’Université de Bonn.

Marcelo Sánchez Sorondo, évêque Chancelier de l’Académie pontificale des sciences, professeur émérite d’histoire de la philosophie, Université LUMSA, Rome.

Chien-Jen Chen, Académicien pontifical, professeur émérite, Genomics Research Center, Academia Sinica, Taiwan.

Salim Abdool Karim, directeur de CAPRISA, professeur de santé mondiale, Université de Columbia, Etats-Unis.

Vanderlei Bagnato, Académicien pontifical, professeur de physique, Université de Sao Paolo, Brésil.

José Manuel Barroso, président du conseil d’administration de GAVI, l’Alliance du vaccin, ancien président de la Commission européenne et ancien Premier Ministre du Portugal, UE.

Antonio Battro, Académicien pontifical, professeur, Neuro-développement de la cognition

David Baulcombe, Académicien pontifical, professeur de botanique emeritus regius, Université de Cambridge, Royaume-Uni.

Laura A. Benjamin, MRCP PhD, Wellcome Clinical Career Development Fellow, Principal Clinical Research Fellow/Honorary Consultant in Stroke Neurology, Laboratory of Molecular and Cell Biology, University College London, National Hospital for Neurology and Neurosurgery, Queen Square, Londres.

Enrico Berti, Académicien pontifical, professeur émérite de philosophie, Université de Padoue, Italie.Helen Blau, PAS Academician, Donald E. and Delia B. Baxter Foundation, Professor for Stem Cell Biology, USA

Helen Blau, Académicienne pontificale, Fondation Donald E. et Delia B. Baxter, professeur de biologie des cellules souches, Etats-Unis.

Rocco Buttiglione, Académicien pontifical

Aaron Ciechanover, Académicien pontifical, Rappaport Family Technion Integrative Cancer Center (RTICC), Rappaport Faculty of Medicine and Research Institute, Technion – Institut de technologie d’Israël.

Guy Consolmagno s.j., Académicien pontifical, directeur, Specola Vaticana, Cité du Vatican.Yves Coppens, PAS Academician, Professeur émérite, Collège de France, Chaire de Paléoanthropologie et préhistoire, Paris, France

Yves Coppens, Académicien pontifical, professeur émérite, Collège de France, chaire de Paléoanthropologie et préhistoire, Paris, France.

Edward De Robertis, Académicien pontifical, professeur à l’Université de Californie, Los Angeles, Etats-Unis.

Ewine van Dishoeck, Académicienne pontificale, professeur d’astrophysique moléculaire, Université de Leiden, Pays-Bas.

Takashi Gojobori, PAS Academician, Distinguished Professor of Bioscience, Acting Director of Computational Bioscience Research Center (CBRC) at King Abdullah University of Science and Technology (KAUST), Thuwal, Saudi Arabia

Mohamed M.A. Hassan, Académicien pontifical, professeur de mathématiques, Université de Khartoum, président de l’Académie soudanaise des sciences.

David Heymann, Département d’épidémiologie des maladies infections, London School of Hygiene and Tropical Medicine, Royaume-Uni.

Pierre Léna, Académicien pontifical, professeur émérite, Observatoire et Université de Paris, France.

Juan Maldacena, PAS Academician, Professor, Institute for Advanced Study, Princeton, NJ, USA

Jürgen Mittelstraß, Académicien pontifical, professeur de philosophie, Konstanzer Wissenschaftsforum, Université de Constance, Allemagne.

Rudolf Muradyan, Académicien pontifical, professeur, Académie arménienne des sciences, Yerevan, Arménie.

Madhukar Pai, chaire canadienne de recherche en épidémiologie et santé mondiale, directeur adjoint, Centre international de TB de McGill, éditeur en chef, PLOS Global Public Health, Canada.

William D. Phillips, Laser Cooling and Trapping Group, Quantum Measurement Division, Physical Measurement Laboratory, National Institute of Standards and Technology, USA

Stefano Piccolo, Académicien pontifical, professeur de biologie moléculaire, Université de Padoue, Italie.

Ingo Potrykus, Académicien pontifical, professeur émérite (ETH, Zurich), Suisse.

Veerabhadran Ramanathan, Académicien pontifical, professeur, Institut d’océanographie Scripps, Université de Californie à San Diego, Etats-Unis.

K. Srinath Reddy, président, Public Health Foundation of India.

Martin Rees, Académicien pontifical, Université de Cambridge, Institut d’astronomie, Royaume-Uni.

Ignacio Rodriguez Iturbe, PAS Academician, Professor, Princeton University, Dept of Civil and Environmental Engineering, Princeton, NJ, USA

Wolf Singer, Académicien pontifical, Institut pour les neurosciences Ernst Struengmann, professeur honoraire de physiologie à l’Université Goethe, Francfort, Allemagne.

Marcelo Suarez Orozco, Académicien pontifical, Chancellor, University of Massachusetts, Boston, USA

Wolf Singer, Académicien pontifical, Institut pour les neurosciences Ernst Struengmann, professeur honoraire de physiologie à l’Université Goethe, Francfort, Allemagne.

Malcolm Turnbull, Compagnon de l’Ordre d’Australie, co-président de la commission Reform for Resilience – Healthy Growth, ancien Premier Ministre australien, 2015-2018.

Rafael Vicuña, Académicien pontifical, professeur de biochimie, université pontificale catholique du Chili.

Krzysztof Wielecki, Académicien pontifical, Faculty of Social and Economics Sciences, Cardinal Stefan Wyszynski University, Head of Social Thoughts Department and Head of Doctoral Studies, Poland

Maryanne Wolf, Académicienne pontificale, directrice, Center for Dyslexia, Diverse Learners, and Social Justice, Professeur en résidence, Graduate School of Education and Information Studies, Los Angeles, Californie, Professeur résidentiel à l’Université Chapman, États-Unis.

Ann E. Woolley, Division des maladies infectieuses, Brigham and Women’s Hospital, Boston and Harvard Medical School, États-Unis.

Eng-Kiong Yeoh, directeur, Center for Health Systems and Policy Research, Université chinoise de Hong Kong, Hong Kong, Chine.

Michael Zandi, National Hospital of Neurology and Neurosurgery, Queen Square, Londres, Royaume-Uni.