Aubierge Olivia Lucette Hungbo | Benin

La Question de la Traite des Personnes au Benin en 2019

Introduction

Présentation générale du Bénin : Petit pays de l’Afrique de l’Ouest (112.622 km2), situé dans le Golfe de Guinée entre le Nigéria à l’Est, le Togo à l’Ouest, le Burkina Faso au Nord-Ouest, avec le fleuve Niger et l’Océan Atlantique comme limites Nord et Sud. Porto-Novo est la capitale politique et Cotonou, la capitale économique. Environ 10.000.000 d’habitants parlant différentes langues, avec le français comme langue officielle.

Le Bénin, vu de l’extérieur par rapport à la traite

Entre 2016-2017, le Bénin était dans le viseur des organismes internationaux luttant contre la criminalité transfrontalière organisée, notamment la traite des êtres humains : la 17ème édition du rapport annuel des Etats-Unis sur la traite des personnes a maintenu le Bénin sur la liste des pays sous surveillance de la catégorie 2 pour la 2ème année consécutive. La raison est la suivante : le pays n’a pas fourni de preuves d’accroissement des efforts de lutte par rapport à l’année précédente et n’a pas encore fait les réformes nécessaires dans ce domaine.

Le rapport 2018 des Etats-Unis sur la situation de traite des personnes reconnaît les efforts fournis par le Bénin en cette matière, de sorte que celui-ci ne figure plus sur cette liste noire ; ces efforts consistent en l’adoption des plans et documents stratégiques-clés ; l’établissement de procédures facilitant l’identification des victimes de traite ; des mesures prises pour empêcher les migrants de devenir des victimes.

Le Bénin a donc fait des progrès ; c’est une bonne nouvelle pour les défendeurs des droits humains ; cependant il demeure dans la catégorie 2 du classement dans le rapport de cette année 2018, car toutes les conditions minimales exigées pour faire face au phénomène ne sont pas remplies. L’un d’eux, très crucial, a pu être réalisé avec l’entrée en vigueur de la loi n°2018-16 du 28 décembre 2018 portant Code pénal en République du Bénin et punissant la traite des personnes, d’où le plan ci-après.

I/ QU’EST-CE QUE LA TRAITE DES PERSONNES AU BENIN ?

Toute analyse nécessite, pour une pertinence effective, un état des lieux de la question. Dans ce cadre, deux (02) grands axes sont à retenir.

A. Le Bénin, un pays de traite (pays d’origine, de destination et de transit de la traite)

La traite organisée, fait d’origine béninoise

De façon générale, les trafiquants déplacent les victimes du milieu rural vers le milieu urbain. Le phénomène des « vidomègon » est un fait culturel de « placement d’enfant » vivant en milieu rural auprès de parents ou de gens fortunés vivant en ville, pour des travaux domestiques en attendant l’apprentissage ou la scolarisation. La victime, en l’occurrence l’enfant, est remise pour garantir le remboursement d’une dette. L’enfant est simplement donné ou vendu. Dans le nord du pays, certains marabouts et enseignants d’écoles coraniques exploitent les élèves béninois de leur école par la mendicité forcée.

La traite organisée, fait destiné au Bénin

Des victimes de traite viennent au Bénin pour y être exploitées. Plus particulièrement, des filles togolaises sont victimes d’exploitation sexuelle à Cotonou. Le tourisme sexuel, impliquant des garçons et des filles étrangers, existe le long du Littoral et dans le Mono.

Pays de transit des victimes de la traite

Le transit des victimes de la traite se situe à deux niveaux :

·      Le transit de victimes de traite vers des pays africains : de façon générale, les trafiquants déplacent les victimes du milieu rural vers le milieu urbain ; le Bénin reçoit des victimes de la traite pour le Nigéria, la Côte-d’Ivoire ou la République du Congo.

Le transit de victimes de la traite vers d’autres continents

·      Des victimes de traite passent par le Bénin pour le Liban ou le Koweït, afin d’y travailler comme domestiques ; certaines de ces victimes subissent l’exploitation sexuelle.

Quelques statistiques

Etudes réalisées par l’UNICEF

Etude nationale sur la traite des enfants au Bénin

  • Etude réalisée en 2006 ;
  • Le nombre d’enfants de 6 à 17 ans victimes de la traite en juillet 2006 est de 40.317 ;
  • Le nombre moyen d’enfants victimes de la traite les 12 derniers mois précédant l’enquête est de 14.968 dont 11.957 (79,9%) victimes de traite transnationale.

Rapport de l’enquête par grappes à indicateurs multiples (MICS)

  • Etude réalisée en 2016 ;
  • Le taux du travail des enfants a nettement progressé au cours des deux (02) dernières décennies : de 34%, il est passé à 52%.

Etude réalisée par l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique (INSAE)

  • Etude réalisée en 2017 ;
  • 7.882 enfants en situation de travail dans les trois grands marchés du pays : Dantokpa (Cotonou), Ouando (Porto-Novo) et Azerkè (Parakou).

B. Les causes de la traite au Bénin

1.              La cause transversale : la pauvreté

C’est une cause unanimement admise.

2.              Les autres causes

  • L’orphelinat ;
  • Le faible niveau de scolarisation des parents ;
  • L’exode rural ;
  • La tradition ;
  • Le faible coût de la main-d’œuvre infantile ;
  • Les infrastructures et les phénomènes associés à ce monde rapidement mondialisé : l’ouverture croissance des frontières, de meilleurs transports et une augmentation des flux migratoires internationaux (Document stratégique d’orientation n°14.3F).

II/ COMMENT EST ORGANISEE LA LUTTE CONTRE LA TRAITE AU BENIN ?

Deux grands axes: les mesures législatives et celles institutionnelles.

A- Les mesures législatives

1.     Une législation actualisée au profit de l’enfant

a.     L’enrichissement du contenu de la traite punie sévèrement

  • Avec le Code pénal BOUVENET et les textes pris aux premières heures de l’indépendance (loi de 1961), plus trafic (déplacements illicites) que traite;
  • Aujourd’hui, le Bénin a ratifié les principaux instruments juridiques internationaux et régionaux de lutte contre la traite en matière de violences de tous genres, de travail forcé et autres ;
  • Désormais, il y a une internalisation de ces normes juridiques internationales et régionales au profit de l’enfant par la prise de multiples textes : loi sur le déplacement des mineurs, loi sur les violences faites aux femmes, code de l’enfant notamment.
  • Traite d’enfants sévèrement punie = 10 ans à 20 ans de réclusion; Traite d’enfants avec recours à la menace, à la force ou à d’autres formes de contrainte… = réclusion à perpétuité; Traite d’enfants, dans le cas où l’enfant n’est pas retrouvé avant le prononcé de la condamnation ou est retrouvé mort = réclusion à perpétuité.

b.     L’encadrement des déplacements des mineurs

  • La nécessité de justifier l’identité des enfants se déplaçant avec soi;
  • La soumission à des formalités administratives pour le déplacement des mineurs:

          - à l’intérieur du pays sur une distance de 50 km ou pour une durée minimale de 07 jours calendaires;

          -  hors du territoire national;

  • La sanction de tous types de déplacement illégal :

          -  le déplacement illégal de mineur à l’intérieur du territoire national ou sa tentative (par transporteur ou autre personne): emprisonnement de 01 an à 03 ans et amende de 50.000 FCFA à 500.000 FCFA (Peine double en cas de récidive);

          -  le déplacement illégal de mineur hors du territoire national ou sa tentative (par transporteur ou autre personne): emprisonnement de 02 ans à 05 ans et amende de 500.000 FCFA à 2.500.000 FCFA (Peine double en cas de récidive);

          -  le déplacement illégal de mineur sur le territoire national par transporteur ou sa tentative: emprisonnement de 02 ans à 05 ans et amende de 500.000 FCFA à 2.500.000 FCFA (Peine double en cas de récidive).

2.     Une nouvelle législation pour protéger les adultes emprunt de criminalité abondant pour les adultes

a.     Avant décembre 2018, plus un emprunt de criminalité au profit des adultes

  • Une incrimination de la traite :

·      Avec la loi n°2011-26 du 09 janvier 2012 portant prévention et répression des violences faites aux femmes, la traite de la femme est retenue comme une incrimination à sanctionner ;

·      Plusieurs faits de traite ont été érigés en infractions nouvelles : mariage forcé, prostitution forcée, zoophilie…

  • Une multitude d’infractions autonomes au profit des majeurs

·      En dehors du Code pénal dit BOUVENET, il n’existait pas encore une législation spécifique au profit des majeurs en matière de traite ;

·      Cependant, il existait une gamme très variée d’infractions pouvant sanctionner des faits de traite commis au préjudice des majeurs : tourisme sexuel, vente d’organes, prise d’otages…

b.     Après décembre 2018, une nouvelle législation au profit des majeurs

  • Les articles 499 à 503 incriminent et punissent tous actes de traite contre l’adulte et l’enfant, qu’il s’agisse de recrutement, de transport, d’hébergement, d’accueil de personnes, d’exploitation, notamment d’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, de travail ou de sévices forcés, d’esclavage ou de pratiques analogues à l’esclavage, de servitude ou de prélèvement d’organes, de convention ayant pour objet l’aliénation à titre gratuit ou à titre onéreux de la liberté ou de la personne d’un enfant ;
  • Le consentement d’une victime à l’exploitation est indifférent, s’il y a menace de recours ou recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou situation de vulnérabilité, offre et acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement personne ayant autorité sur une autre ;
  • Les auteurs peuvent être des personnes physiques ou des personnes morales :

·      Pour les personnes physiques, les peines vont de la réclusion criminelle à temps de 10 ans à 20 ans à la réclusion criminelle à perpétuité ;

·      Pour les personnes morales, c’est une amende de 5.000.000 de FCFA à 100.000.000 de FCFA, sans préjudice de dommages-intérêts et de mesures d’exclusion des marchés publics, de confiscation du corps ou du produit de l’infraction, de placement temporaire sous surveillance judiciaire, d’interdiction définitive ou temporaire d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise, de fermeture définitive ou temporaire des établissements en cause, de dissolution, d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée.

B- Les mesures institutionnelles

1.     La création de cellules de coordination des initiatives de protection de l’enfant

  • Six cellules départementales ;
  • Soixante-dix-sept cellules communales.

2.     La mise en place d’un personnel spécialisé et plus outillé

  • Nomination de juge des mineurs/juges pour enfants dans toutes les juridictions ;
  • Formation accrue des forces de l’ordre ;
  • Création de l’office central de protection des mineurs.

CONCLUSION

Le Bénin est soucieux du fléau de la traite en général, de la traite d’enfants en particulier. De réels d’efforts sont consentis, avec l’aide des partenaires techniques, des organismes internationaux et des organisations de la société civile. Mais il reste encore à mettre plus de moyens pour la poursuite des faits de traite, à intensifier les efforts visant à enquêter sur les auteurs de la traite des adultes et enfants pour exploitation sexuelle, puis à élaborer des procédures systématiques pour l’identification proactive des victimes et l’orientation subséquente vers les services de soins.