Roger cardinal Etchegaray

Clôture du Colloque

Clôture du Colloque

Un merci final, plus substantiel que celui de l’ouverture de ce Colloque : un merci nourri d’échanges vécus dans la passion commune de tout ce qui est ou a fait l’Homme dès ses premiers balbutiements. Avec la dextérité du paléontologue qui jongle avec des millions d’années, le professeur Henri de Lumley vient en quelques minutes de nous faire survoler la terre et nos ancêtres. Pour ma part, voici simplement trois réflexions que je vous livre en « conclusion apéritive » selon l’expression d’un autre provençal, Maurice Blondel.

1. Tout d’abord, j’ai mieux saisi combien est grande votre vocation au service de l’homme, de l’homme intégral et non unidimensionnel. Pour comprendre l’homme aujourd’hui, il faut le prendre avant même ses origines. Nous connaissons la pensée de Pascal : « Qu’est-ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant … L’homme n’est qu’un réseau, le plus faible de la nature, mais un réseau pensant. La grandeur de l’homme est grande en ce qu’il se connaît misérable ». Depuis Dachau et Hiroshima, l’homme est désormais sans illusion sur le fauve qui dort en lui. Bien plus, après tant de civilisations éteintes, nous savons que la nôtre aussi est mortelle et disparaîtra tôt ou tard engloutissant l’espèce humaine. Mais pouvons-nous nous y résigner quand le Credo enseigne aux chrétiens la foi en « la résurrection de la chair et en la vie éternelle » ?

2. D’où ma deuxième réflexion, qui s’adresse à l’Eglise toute entière, à l’Eglise du Christ. C’est avec le Christ « récapitulateur », tel que nous l’a présenté saint Irénée à la suite de saint Paul dans sa lettre aux Colossiens (1, 15-20) que nous devons affronter l’aujourd’hui qui est toujours l’aujourd’hui de Dieu. L’Adam de la Genèse, premier apparu, n’est pas le premier : le Christ « second Adam », est l’ultime raison du premier et donc sa vérité. Le Christ condense tellement toutes choses et de Dieu et de l’homme qu’il n’existe hors de Lui aucun univers de rechange.

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Un merci final, plus substantiel que celui de l’ouverture de ce Colloque : un merci nourri d’échanges vécus dans la passion commune de tout ce qui est ou a fait l’Homme dès ses premiers balbutiements. Avec la dextérité du paléontologue qui jongle avec des millions d’années, le professeur Henri de Lumley vient en quelques minutes de nous faire survoler la terre et nos ancêtres. Pour ma part, voici simplement trois réflexions que je vous livre en « conclusion apéritive » selon l’expression d’un autre provençal, Maurice Blondel.

1. Tout d’abord, j’ai mieux saisi combien est grande votre vocation au service de l’homme, de l’homme intégral et non unidimensionnel. Pour comprendre l’homme aujourd’hui, il faut le prendre avant même ses origines. Nous connaissons la pensée de Pascal : « Qu’est-ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant … L’homme n’est qu’un réseau, le plus faible de la nature, mais un réseau pensant. La grandeur de l’homme est grande en ce qu’il se connaît misérable ». Depuis Dachau et Hiroshima, l’homme est désormais sans illusion sur le fauve qui dort en lui. Bien plus, après tant de civilisations éteintes, nous savons que la nôtre aussi est mortelle et disparaîtra tôt ou tard engloutissant l’espèce humaine. Mais pouvons-nous nous y résigner quand le Credo enseigne aux chrétiens la foi en « la résurrection de la chair et en la vie éternelle » ?

2. D’où ma deuxième réflexion, qui s’adresse à l’Eglise toute entière, à l’Eglise du Christ. C’est avec le Christ « récapitulateur », tel que nous l’a présenté saint Irénée à la suite de saint Paul dans sa lettre aux Colossiens (1, 15-20) que nous devons affronter l’aujourd’hui qui est toujours l’aujourd’hui de Dieu. L’Adam de la Genèse, premier apparu, n’est pas le premier : le Christ « second Adam », est l’ultime raison du premier et donc sa vérité. Le Christ condense tellement toutes choses et de Dieu et de l’homme qu’il n’existe hors de Lui aucun univers de rechange. Le Christ a mis à jamais l’homme sous le signe absolu de sa Résurrection : il nous faut vivre de sa souveraine et joyeuse plénitude.

3.  Troisième réflexion : l’heure n’est-elle pas venue d’établir un « bilan de l’histoire » comme celui qu’avait établi en 1946 René Grousset, et que Robert Aron campe « à la proue d’un vaisseau qui progresse vers les horizons infinis de la destinée humaine ? » C’est dans ce sens que je me suis tourné, dès ma jeunesse sacerdotale, vers Teilhard de Chardin, ce « guetteur d’horizon » à la vision mystique autant que scientifique. Que l’on relise cette page du Le Milieu Divin : « Dieu, dans ce qu’il a de plus vivant et de plus incarné, n’est pas loin de nous, hors de la sphère tangible ; mais Il nous attend à chaque instant dans l’action, dans l’œuvre du moment. Il est en quelque manière au bout de ma plume, de mon pic, de mon pinceau, de mon aiguille, de mon cœur, de ma pensée. C’est en poussant jusqu’à son dernier fini naturel le trait, le coup, le point auquel je suis occupé, que je saisirai le But dernier auquel tend mon vouloir profond …L’énorme puissance de l’attrait divin introduit, dans notre vie spirituelle, un principe supérieur d’unité, dont l’effet spécifique est, suivant le point de vue qu’on adopte, de sanctifier l’effort humain ou d’humaniser la vie chrétienne ».

Ainsi, de cette terre qui est encore une terre des cavernes, mais avec mon cœur toujours frais, j’attends maintenant le grand lever de soleil qui m’exposera éternellement face à face avec Dieu.

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